La société capitaliste est une société qui court à l’abîme, à tous points de vue, car elle ne sait pas s’autolimiter. Et une société vraiment libre, une société autonome, doit savoir s’autolimiter, savoir qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire ou qu’il ne faut même pas essayer de faire ou qu’il ne faut pas désirer.
Cornélius Castoriadis, novembre 1996 au micro de Daniel Memet, publié dans le Monde diplo en 1998.
📸 de Nina Luong sur Unsplash, parce que nous célébrons le melon d’après le calendrier républicain.
Namasté,
Récemment, quand j'ai expliqué comment je vivais depuis quelques mois, mon interlocutrice a résumé en un "tu es passé dans la slow life". Pourtant, rien n'est moins vrai, sauf pour les séries que je binge'watche plus. La réalité, c'est que je fais bien plus de choses différentes.
Cette semaine, par exemple, j'ai fait ma veille, essayé d'ordonner et hiérarchiser les informations pour l’envoi de ce mail, mais aussi parlé de la nécessité de végétaliser l'alimentation à différents endroits, parlé sobriété, décroissance. J'ai aussi passé une tête à l'apéro des actionnaires toulousains de Team for the planet pour savoir où les projets en étaient. Les solutions techniques sont nécessaires à côté de la sobriété, j'ai espoir dans l'olivine mais elle va arriver un peu tard.
🌱 Avant d’aller plus loin, si on t’a fait passer ce mail ou que tu es nouveau / nouvelle, je suis Philippe. Végan depuis presque 10 ans, je m’intéresse au climat et depuis bien plus longtemps.
Avec cette newsletter, j’essaie de faire une petite veille écolo sentiocentrée.
Je te l’envoie une fois par semaine, autour du samedi. 🐾
Le GIEC a prévenu du réchauffement climatique. Est-ce que son ampleur, le rythme de ce réchauffement a de quoi vous surprendre ?
Non, on n'est pas surpris. Vraiment, on alerte depuis un bon moment. Ce qui est surprenant, c'est finalement le déni ou le fait que les gens soient surpris.
Cette semaine, j'ai aussi passé quelques heures au jardin. Les tomates grossissent, la salade pousse, les melons commencent à apparaître, ainsi que d'autres semis. Les différentes planches sont marquées. Ça demande du temps. Mais n’est-ce pas utile pouvoir mettre quelque chose sur la table, comme dirait mon père ?
Dans ce mail
L’avenir est végétalien. Ou il ne sera pas.
Idées
En vrac.
La vidéo.
1️⃣ L’avenir est végétalien. Ou il ne sera pas.
Ce n’est pas faute de le dire, mais ça fait plaisir de lire Libération expliquer pourquoi le régime vegan pourrait sauver la planète.
Commençons par le vocabulaire : Libé parle de “régime vegan” au lieu de régime végétalien. Cela me semble un problème de traduction : l’étude, en anglais, parle de “vegan diet” ce qui, en anglais, est correct même si on parle de plus en plus de “plant based diet”, justement pour clarifier les choses. En français, on parlera de régime végétalien. Le véganisme est un acte politique qui ne se résume pas à une régime alimentaire.
Bref. Que dit Libé ? “D’après un groupe de chercheurs de l’université d’Oxford, qui a suivi 55 000 Britanniques et analysé des données provenant de 38 000 fermes, réparties dans 119 pays, les régimes carnés (où plus de 100 g de viande sont consommés par jour) sont à l’origine de 75 % d’émissions de gaz à effet de serre en plus que l’alimentation végétale.” Bon, déjà, ce n’est pas ce que dit l’étude. Il y a un problème sur les pourcentages, comme me l’a fait remarquer Gabriel :
“ils ont complètement raté la conversion des pourcentages en inversant la phrase.
étude: «Dietary impacts of vegans were 25.1% […] of high meat-eaters (≥100 g total meat consumed per day) for greenhouse gas emissions…».
traduction libération "les régimes carnés […] sont à l’origine de 75 % d’émissions de gaz à effet de serre en plus que l’alimentation végétale."
c'est mathématiquement faux, et indique moins qu'un doublement, au lieu d'un quadruplement (en réalité)! “
The Guardian ajoute (traduction par Google Translate et moi) : “Les régimes végétaliens réduisent également la destruction de la faune sauvage de 66% et la consommation d'eau de 54%, selon l'étude.”
Il faut préciser que l’étude, parue dans Nature a étudié différents régimes : végétalien, sans viande mais pas 100% végétale, ou avec de la viande d’origine marine ou terrestre (en anglais, dans le titre de l’étude, cela donne “Vegans, vegetarians, fish-eaters and meat-eaters”), “meat” désignant, pour l’étude, la chair des animaux terrestres (précision apportée par le New-York Times). Les régimes plus ou moins carnés ont été regardés (plus de 100g ou moins de 50g). Elle n’a pas juste comparée les régimes végétaliens et très carnés. Cependant, comme le relève le Guardian, les différences entre les régimes avec moins de 50g/jour de viandes terrestres, pescétariens et végétariens sont relativement faibles en matière d’impact environnemental.
Les auteurs et autrices de l’étude écrivent (traduction par Google Translate) : “L'impact environnemental des aliments d'origine animale est généralement plus élevé que celui des aliments d'origine végétale en raison à la fois des processus directs liés à la gestion de l'élevage (par exemple, la production de méthane (CH4) par les ruminants) et des processus indirects via l'inefficacité de l'utilisation des cultures pour l'alimentation animale plutôt que directement pour la consommation humaine.”
Mais la consommation de produits d’origine animale n’a pas seulement une impact sur les gaz à effet de serre. L’utilisation des terres, de l’eau, l'eutrophisation (à voir l’excellent Algues vertes sur le sujet, au cinéma) et la biodiversité sont aussi impactés.
Le Guardian note que dans l’étude “ce qui était consommé était beaucoup plus important en termes d'impacts environnementaux que le lieu et la manière dont il était produit.” Le professeur Peter Scarborough, professeur en santé de la population à Oxford, qui a dirigé l’étude, cité par le New-York Times, enfonce le clou en remettant en cause les critiques sur les effets environnementaux de certains aliments végétaliens, tels que le volume d'eau nécessaire pour produire du lait d'amande, au regard des conséquences des produits d’origine animale. La viande locale ou bio n’est pas une solution face au changement climatique.
Le professeur Richard Tiffin, de l’University of Reading, cité par le Guardian, dit : “Encourager les gros mangeurs de viande à réduire leur consommation de viande et encourager les végétariens à devenir végétaliens devrait entraîner une réduction des émissions. Cependant, il est difficile de justifier des modifications du régime alimentaire des omnivores modérés sur la base de ces résultats, si ce n'est de passer à un régime complètement végétalien." (C’est moi qui ai mis en gras.) Le régime végétalien n’est pas seulement le régime des végans, c’est aussi celui des gens qui veulent faire quelque chose pour le climat.
🔗 L’étude parue dans Nature (en anglais).
🔗 L’article du Guardian (en anglais)
🔗 L’article du New-York Times (en anglais), avec un titre catchy “Save the Planet, Put Down that Hamburger”… mais il y a de très bons burgers végétaliens et je n’ai pas envie de m’en passer 😉
“My new response when someone mentions the animal they ate recently:
Oh, you’re still eating meat/dairy/eggs, with the climate catastrophe & everything? No, I get it, it’s just weird.
We need to denormalize eating animals.”
2️⃣ Idées
Reporterre veut inventer des bourses écologistes sur le modèle des bourses du travail, mais il existe déjà les Bases d’Action Sociale et Ecologique (Base), comme à Toulouse, la Montpellier, Marseille ou Nice, non ?
Et si la pop-culture changeait sa vision de la crise environnementale ? Par exemple, avec des personnages positifs qui se déplacent à vélo et mangent végé.
I think cruel products should be labeled, instead of us having to look for 'cruelty-free' or 'vegan'.
3️⃣ En vrac
Les conséquences délétères des pesticides sur la faune du sol sont généralisées.
Le Parlement européen adopte de justesse la loi de restauration de la nature.
Geeks curiosity a écrit un article pour se représenter ce qu’est 1 milliard. C’est important les ordres de grandeur. Il l’a fait pour parler de l’argent des milliardaires mais ça marche aussi avec le spécisme puisque les humains tuent pour les manger au minimum 1 380 000 000 000 d’animaux par an. Et on parle juste de la pêche et de l’élevage.
“D’ici 2025, le changement climatique pourrait priver plus de 12 millions de filles de l’opportunité de poursuivre leurs études chaque année. Les filles sont les premières à quitter l’école pour venir en aide à leurs familles touchées par les changements climatiques." (Unicef)
Bercy remplace ses toits végétalisés par du faux gazon en plastique.
Face à l’inertie de l’État, des fonctionnaires s’engagent pour l’écologie.
A Mayotte, un département français, la gestion de l'eau, ce sont des coupures d'eau de 16h à 8h du matin.
Pénurie d’eau : la Cour des comptes invite l’Etat à frapper les gros consommateurs au portefeuille.
Valérie Masson-Delmotte continue, avec courage, de donner des interviews. Verbatim chez France info : “Les constats scientifiques sont très clairs : les nouveaux investissements dans les énergies fossiles ne sont pas compatibles avec l'accord de Paris sur le climat si on n'est pas capable – et ce n'est pas le cas aujourd'hui – d'investir suffisamment pour capter et éliminer les émissions de gaz à effet de serre."
Algues vertes : le 18 juillet, le tribunal administratif de Rennes a donné 4 mois à l’Etat pour agir.
Avec un coût de fonctionnement de 100 000€/an et seulement 30000€ de subventions, le centre de soins pour animaux sauvages de la Dame Blanche, dans le Calvados, est menacé. (BFM) Il est possible de faire un don en ligne.
L’alimentation végétale arrive dans le quartier branché de Séoul.
Avec l'augmentation des températures, les avions vont avoir plus de difficultés à décoller. Il est temps de s'en passer, non ?
La Rochelle : en juin, 10 volontaires ont participé à l’opération « Un mois sans ma voiture ! », initiée par la communauté d’agglomération. Bilan super positif pour l'usage des vélos.
Dans sa dernière newsletter, Hugo Clément montre que la différence de prix entre le train et l'avion est bien dû à des choix politiques : droit de péage pour le train (alors, oui, il n'y a pas de rails à entretenir dans le ciel mais il y notre atmosphère à sauvegarder), kérosène non taxé. Pour la France, il y a un facteur aggravant le faible investissement de l'Etat.
Les forêts françaises bientôt émettrices de CO2 ? C'est déjà le cas dans certaines régions.
4️⃣ La vidéo
L’interview de Féris Barkat, 21 ans, qui a fondé Banlieues Climat, est à voir. Il forme les jeunes des quartiers populaires et leur montre que l’écologie a un immense pouvoir d’émancipation. J’aime particulièrement sa prise de conscience : tu peux vouloir être riche mais, de toute façon, le changement climatique viendra casser tes rêves alors il faut s’occuper du climat.
C’est tout pour aujourd’hui. Il est encore temps de choisir collectivement la sobriété. L'alternative étant de la subir individuellement sans débat. Passe un bon week-end !
Philippe
P.S. : Bah oui, je ne t’ai pas beaucoup parlé du remaniement ministériel mais, avec une ministre de la biodiversité pro-chasse, d’Aurore Bergé à la solidarité, de la ville rattachée à l’intérieur pour la première fois, de toujours Darmanin à l’intérieur, et aucune trace de lutte contre le changement climatique (adapter l’économie à ses conséquences, ce n’est pas lutter contre), que dire ? Laurence De Cock a bien résumé cela : “Les coteries du gouvernement, le remaniement et tous ces potins mondains franchement quelle fatigue. On s’en fout.
Quand pourra-t-on manifester à nouveau librement ? Quand reformera-t-on la police enfin ? Quand prendront-ils la mesure de l’urgence écologique ? Voilà des questions qu’on aimerait voir traitées dans les médias plutôt que ces intrigues de cour ou de caniveau.”
Scientists repeatedly: Eating meat is bad. If we don't eliminate it, we'll run out of water and climate change will continue unabated!
Mainstream climate activists: Let's just eat a little bit less meat and get back to blaming fossil fuels.
Mainstream media: Our environmental crisis has no solution, and everything is terrible. How are we supposed to eat meat if ranchers are constantly running into climate catastrophes?